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Actualité et
projets Juin 2013 Avant la pause estivale tant attendue, je souhaite
partager avec vous quelques réflexions au sujet d'un
article de Laurie Hawkes paru dans le TAJ de juillet 2011 " With you and me in mind:
mentalization and transactional
analysis." Cet article avait été
publié
en français
dans les AAT sous le titre, " Une pensée
qui contient: AT et mentalisation" en avril 2010. Cette notion de mentalisation a retenu mon attention car
j'y vois une utilité pour la pratique des éducateurs,
enseignants, travailleurs sociaux, coaches, superviseurs. Une utilité
pour le professionnel lui-même, comme aide pour gérer
ses propres résonances
et projections, pour affiner ses capacités
d'accompagner l'autre dans une relation empathique et non symbiotique, pour
identifier plus clairement ce qu'il cherche à développer
chez son client quand il parle de soutenir l'autonomie. Une utilité
pour le professionnel pour comprendre plus subtilement quels sont les éléments
qui permettent à cette capacité
de mentalisation de se développer, une utilité
pour tous ceux qui travaillent avec des enfants et adolescents pour permettre
par un accompagnement approprié et conscient de faciliter
l'émergence
et/ou de renforcer cette compétence chez les jeunes
personnes qu'ils côtoient. Si l'on tente de définir
la mentalisation nous pouvons dire que c'est " la capacité
d'être
spécifiquement
conscient des états
mentaux en tant que tels, des siens et de ceux des autres, afin de réguler
ses affects et harmoniser ses relations interpersonnelles. " La mentalisation est un concept proche de la théorie
de l'esprit, soit la capacité de concevoir que l'autre a
une autre perception de la réalité
que moi, d'envisager que ses comportements sont liés à
des motivations, désirs, croyances différents
des miens. C'est une forme d'activité
imaginative qui permet une prise de recul par rapport à
mes affects et me permet dans un même
mouvement de rester en lien avec l'autre. Selon Hawkes, si la mentalisation dépend
aussi de facteurs génétiques, les facteurs
environnementaux sont également déterminants.
Elle en cite deux: un entourage qui va offrir à
l'enfant des modèles de modélisation et un type
d'attachement sécure.
Des modèles
de modélisation
, c'est-à-dire
des adultes qui, au lieu de lui dire que penser et que faire, vont inviter
l'enfant à
nommer ce qui se passe pour lui et pour les autres dans des situations délicates.
L'attachement sécure
permet à
l'enfant d'expérimenter
des situations émotionnelles inconfortables avec l'appui d'un adulte qui
va avoir le rôle
de "régulateur
externe" de ses affects. Cet appui est nécessaire
car s'il manque l'enfant va se sentir incompris et abandonné
et en réaction
risque de se couper de ses sensations car trop dangereuses. Mais dans un même
temps la personne qui sert de régulateur doit clairement
montrer qu'elle est différente et qu'elle ne ressent
pas la même
chose ou pas avec la même intensité.
Si cette différence
n'est pas explicitée alors la fusion persiste et l'enfant continue à
ressentir le besoin que quelqu'un d'autre que lui régule ses émotions.
En tant qu'analyste transactionnel je vois des liens
pertinents. La mentalisation est, me semble-t-il, une manière
de définir
la capacité
de l'Adulte intégrant de se connecter à
ses modèles
internes et dans un même temps de prendre du
recul, dans une position méta, et de prendre en compte
les éléments
du système
et les autres points de vue que le sien. Le lien avec la méconnaissance
est aussi intéressant
puisque faciliter le processus de mentalisation est clairement une manière
de transformer le désordre de la pensée
qui accompagne la grandiosité,
minimisation ou autre dévalorisation. Une piste que je trouve intéressante
à
creuser est ce qui se passe au moment du jeu psychologique entre deux
personnes. L'une des spécificités
des jeux est que dans ce mode relationnel, la personne interprète
la situation selon des schémas stéréotypés
et égocentrés,
qui excluent la possibilité de mentalisation. Selon Zvelc cité par Hawkes, les séquences
de jeu sont inévitables
et plutôt
que de viser à
les éviter
à
tout prix et d'opérer un contrôle social, il serait
judicieux d'utiliser la mentalisation et de partager avec notre client notre
vision de ce qui se passe dans la relation, en métacommuniquant,
ce qui permettra de mettre en lumière
l'aspect défensif
du jeu et élargira
la compréhension
de notre client sur son fonctionnement et ses options futures. Le processus
de mentalisation permet à chacun des interlocuteurs
de donner du sens à leur vécu et potentiellement
d'ajouter un nouvelle version à
leur narration, soit de modifier leur scénario.
Le lien avec l'échelle
de conscience émotionnelle
de Claude Steiner est aussi très éclairant.
En effet dès
lors que nous avons compris les effets de la mentalisation pour la santé
de la personne, la démarche de passer la ligne linguistique pour accéder
à
la différenciation,
soit de distinguer les différentes émotions
et d'en déterminer
la causalité
prend encore plus de sens. C'est par ce processus de mise en mots que la
personne peut développer ensuite des capacités
d'empathie pour elle -même et les autres, et peut
ensuite définir
les actions qui lui semblent appropriées
dans sa situation. En conclusion de son article, Laurie Hawkes nous dit
qu'elle considère
la mentalisation comme un " art de vivre" que nous élaborons
notre vie durant, que nous n'atteignons jamais une destination finale et que
le but est de ne jamais perdre notre intérêt à développer
cette habileté
en évolution
constante. Cela nous aide à "faire avec" l'inattendu, à éclairer
le répétitif
et à rester
investi dans nos relations et notre vie. Je souhaite ajouter pour ma part que
si cette phrase exprime la manière dont Laurie conçoit
la mentalisation, je pourrais reprendre cette affirmation mot pour mot en
parlant de l'autonomie, " un art de vivre" notre vie et d'envisager
nos relations, en évolution constante et sans finalité.
Ces deux notions me semblent bien proches à
plus d'un égard. La prochaine page paraîtra
mi-août,
d'ici là
je souhaite un bel été à
chacun et chacune. Evelyne
Papaux |